Présentation de l’architecture du château de la Guerche
Il est difficile de parler de l’architecture du château. On devrait plutôt parler “des” architectures, puisque l’art de bâtir a suivi les modes, au cours des siècles, elles-mêmes influencées par l’Histoire.
Ainsi, lors de la construction du châtelet d’entrée, au lendemain de la guerre de cent ans, le style architectural sert la vocation défensive du château de la Guerche, “forteresse du XVè siècle”. Lors de la seconde campagne de travaux, en 1490, les techniques de construction ont déjà évolué, notamment pour les voûtes.
A l’âge classique, le château est fortement transformé pour en améliorer l’habitation. Le style classique est assez visible sur l’aile dite d’Aumont (en référence à la famille propriétaire à l’époque).
La coursière et les combles
Les châteaux du XVème siècle présentent fréquemment une coursière, sorte de petit passage le long du rebord du toit, muni d’un garde-corps à remplage flamboyant. Les mémoires de Bruères Desrivaux, maire de la Guerche et sous-préfet de Loches en 1810, rappellent que le château était doté avant la Révolution d’une ” galerie (…) faite en arcades, soutenue par des piliers ou colonnes d’une seule pièce, de six pieds de longueur, cannelées et sculptées, ainsi que le balcon ou balustrade, dans le goût des rosettes et frontispices des églises gothiques “. Lors de la Révolution, le château a été partiellement “déconstruit”, emportant avec lui ses colonnes et la coursière.
Lors de la démolition du dernier étage, la charpente a donc été remontée.Les combles permettent de voir les vestiges de cette déconstruction, dont les murs et les voûtes épousent désormais la pente de la toiture, donnant à ce lieu un charme incongru. Ouvert au public à l’occasion d’évènements culturels, cet espace d’exposition est un lieu hors norme, comme en apesanteur entre ciel et terre.
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Les casemates d’artillerie
Les casemates d’artillerie sur trois pièces en enfilade, et dans deux tours, attestent par la qualité de leur architecture l’importance de la vocation défensive du château de la Guerche au lendemain de la guerre de cent ans.
Rappelons-le, le contexte historique dans lequel il a été édifié (première campagne de travaux peu après la Guerre de cent ans), et la position géographique du château, au pied de la rivière (frontière entre deux régions et camps ennemis) confèrent au château de la Guerche une position stratégique qui se devait d’être bien défendue.
Les casemates sont situées deux étages au-dessous de la cour du château et constituent l’étage de défense du château. En témoignent les canonnières qui percent le mur à intervalles réguliers. Ces canonnières encore appelées « embrasures à la française », témoignent de l’art de bâtir au XVè siècle. Le château était assez bien équipé en couleuvrines (canons apparus à la fin du XVè siècle).
Les voûtes sont, elles aussi, remarquables : à la différence des greniers, les finitions des voûtes des casemates, moins travaillées, ont l’avantage de laisser visible à l’oeil nu la technique de leur édification.
Un conduit permettait de descendre les canons directement depuis la cour du château. Il jouait par ailleurs le rôle de conduit d’aération, évacuant, par appel d’air, la fumée dégagée par les canons.
La prison
Lorsque André de Villequier construit le château en 1450, il rachète au baron de Preuilly les droits féodaux attachés aux terres de la Guerche.
Parmi ces droits, celui de pleine justice. Les seigneurs de la Guerche pouvaient alors rendre justice sur leurs terres, ce qui explique l’existence d’un « auditoire » dans le village de la Guerche, et d’une prison dans le château.
Les “prisons” sont fréquemment citées dans les textes, mais n’ont souvent pas de caractère architectural particulier. La prison du château de la Guerche est une pièce du premier sous-sol, voûtée, éclairée par une fenêtre solidement grillagée, et fermée. La présence d’une cheminée atteste qu’elle pouvait même être chauffée ! C’est donc probablement parmi d’autres fonctions que cette pièce a été utilisée comme prison, dont l’architecture et l’agencement est sans commune mesure avec les cachots royaux de Loches !
Les seigneurs de la Guerche rendaient justice sur des délits “seigneuriaux”, alors que les infractions relevant de la justice royale (comme le crime de lèse-majesté…) étaient jugées à Loches.
Le château de la Guerche est fait en pierre de taille de tuffeau, une roche calcaire tendre, voire friable. C’est pourquoi, dans les casemates et dans la prison, on retrouve “gravés dans les murs”, de nombreux témoignages, parfois anecdotiques sur “les histoires” du château.
Parmi eux, on peut lire par exemple ce témoignage : « le 9 décembre 1624 I de may est entré en prison pour avoir coupé un pied de chêne en la forêt de Monseigneur, et est sorti le 10 décembre en baillant [en payant] 15 louis comptants à M. de la justice »
Les Greniers
Les greniers du château se situent, à l’inverse de ce qu’on pourrait penser, au sous-sol.
Le seigneur, propriétaire de vastes terres cultivées (et fertiles car irriguées par la Creuse) était à la tête d’un grande exploitation rurale. Il lui fallait donc un espace conséquent et au sec pour stocker les produits de son domaine : sacs de blés, pipes de vin, salaisons, fruits secs, jarres d’huile, etc : les greniers remplissaient naturellement cette fonction.
Les greniers du château de la Guerche sont constitués de trois vastes salles carrelées en enfilade et voûtées. Ces salles sont éclairées et aérées par fenêtres grillagées donnant sur la Creuse. Les voûtes « en berceau » des greniers sont semblables à celles des casemates de l’étage inférieur. Leur qualité technique est d’ailleurs remarquable, puisque ce type de voûte, d’esprit classique, suppose une connaissance très poussée de la stéréotomie que l’on ne pensait acquise qu’au XVIIème siècle. Or les voûtes de la Guerche datent seulement des années 1500.
La Chapelle
La chapelle fait partie, au XVème siècle, de l’équipement normal d’un château de moyenne importance. Le plus souvent, elle se situe en rez-de-chaussée et est donc accessible à toute la maisonnée.
A la Guerche, la chapelle est située au premier étage et sert de passage entre la salle et le logis sud. Cette disposition est très rare.
La chapelle comporte deux travées voûtées d’ogives « à liernes » et « tiercerons ».
Après que cette chapelle a été transformée en chambre, Raoul de Crouy creuse vers 1830 deux niches dans la façade, de part et d’autre de la fenêtre de la Chapelle pour y placer les statues de Jeanne d’Arc et de Jeanne la Hachette (qui joua un rôle semblable à celui de Jeanne d’Arc, mais à Beauvais).
La tour carrée et l’escalier d’honneur
L’escalier, dans l’architecture de la fin du XVème siècle, a une importance qui dépasse celle d’un simple organe de circulation. S’inscrivant généralement dans une tour, il apparaît comme une manifestation privilégiée de la puissance du propriétaire.
Ce rôle symbolique explique la place qui lui est réservée dans la distribution de la demeure : l’entrée dans le bâtiment se fait par l’escalier, et celui-ci conduit directement à la salle. Jusqu’aux années 1515-1520, les escaliers français sont dans leur écrasante majorité des escaliers à vis.
L’escalier qui mène au logis, construit à cette époque par Arthus de Villequier, voit l’apparition des premiers escaliers “rampe sur rampe” copiés sur des modèles italiens. Comme à beaucoup d’égards sur le plan architectural, le château de la Guerche était donc doté des premiers escaliers à volées droites (rampes sur rampes) « à l’italienne » . Bien que détruit aujourd’hui, il a laissé la trace de ses marches et des culots des voûtes. Il apparaît donc comme un très rare exemple d’un modèle expérimenté à la même époque sur deux chantiers royaux (Blois et Loches).
Le Logis
Au cours des XIVème et XVème siècles, on distingue les espaces militaires, ceux pour les domestiques, et les espaces résidentiels. Ces espaces résidentiels constituent le « logis » (on ne parle pas encore d’ “appartement”) qui ne sera guère modifié par la Renaissance (la seule réelle nouveauté est l’invention de l’antichambre).
La “salle” est, dans un château, un espace public. Elle sert notamment pour les repas du seigneur. Dans de nombreux châteaux, la salle a également la fonction de tribunal seigneurial. Mais il existait au village de la Guerche un “auditoire” pour cet usage.
La salle est donc une pièce importante, que l’on retrouve à chaque étage.
L’accès à la chambre principale se fait par l’escalier d’honneur.
La grande salle du rez-de-chaussée est profondément modifiée à partir de 1830 par Raoul de Crouy, qui aménage plusieurs salons. Il fait de l’entrée de la chapelle l’entrée principale du château, qui ouvre sur une bibliothèque, et de part et d’autre du vestibule, sur des salons.
Parmi eux, la salle de billard, probablement aménagée à cet effet, décorée en stuc (plâtre peint) dans un style troubadour, retient l’attention des architectes historiques, du fait de la qualité de ses moulures et du caractère précurseur de ce style. En effet, le style troubadour prend ses marques à la Guerche dès 1835, alors qu’il se popularise dans les années 1850.
Le Châtelet d’entrée
Quand André de Villequier, vassal direct de Charles VII, commence la construction du château en 1450, nous sommes au lendemain de la Guerre de cent ans. Pour comprendre l’architecture du châtelet d’entrée, dont la construction est stoppée en 1454 par la mort d’André de Villequier, il faut comprendre que le château est construit au bord de la Creuse, une position stratégique.
Elle constituait la frontière entre les Capétiens et les Plantagenêts pendant la guerre de cent ans. Elle constitue aussi une frontière entre la Région poitevine et la Région tourangelle (aujourd’hui encore, entre la Vienne et l’Indre et Loire !). La Touraine était une Région royale, plus riche que le Poitou sur l’autre rive. C’est pourquoi la gabelle, l’impôt royal sur le sel, était beaucoup plus élevée qu’en Poitou, alimentant ainsi les trafics sur la rivière. La Creuse est d’ailleurs peu profonde au niveau du château. La vocation militaire de contrôle de la frontière est renforcée par le fort passage au niveau du village (présence d’un pont notamment sur une route fréquentée de Bourges à Saintes).
On lit sur la façade, dans ce style propre aux châteaux à vocation défensive des archères-canonières, mâchicoulis, et bien sûr le pont-levis. Les passages charretier et piétonnier disposaient chacun de leur pont-levis. Une herse complétait la défense du corps de garde.
Il n’y avait pas de fossé de ce coté-là mais le sol de la cour du château domine de 5,60 m celui du village. Les ponts-levis du châtelet donnaient donc directement sur la place du village et permettaient d’accéder à une vaste salle à trois voûtes. L’accès charretier à la cour était défendu par une herse encore visible.
En quatre ans, André de Villequier n’a pu construire que le châtelet. Son fils Arthus, après une longue bataille d’héritage avec son frère, commence en 1495 la deuxième campagne de construction : le corps de logis, puisant ses fondations dans la Creuse.